- RÉSONANCE MAGNÉTIQUE
- RÉSONANCE MAGNÉTIQUELa résonance magnétique est une technique de spectroscopie appliquée aux particules ou ensembles de particules atomiques ayant la propriété d’être de petits aimants comme les électrons et un certain nombre de noyaux atomiques (environ une centaine). On dit que ces particules possèdent un moment magnétique. Le principe de la résonance magnétique est le suivant: lorsqu’un moment magnétique situé dans un champ magnétique fixe est soumis à une excitation magnétique périodique, son comportement n’est influencé par l’excitation que si celle-ci a une fréquence bien déterminée. Cette modification de comportement se manifeste par des effets électromagnétiques que l’on peut mesurer et dont la courbe de variation avec la fréquence d’excitation est appelée raie de résonance.Le comportement résonant des systèmes électroniques et nucléaires avait été découvert peu après le début du siècle par l’apparition de structures finies des raies spectroscopiques optiques en présence du champ magnétique [cf. SPECTROSCOPIE], et interprété notamment par A. Sommerfeld, A. Landé et W. Pauli. L’existence du magnétisme électronique a également été étudié au moyen de la très belle méthode de O. Stern et W. Gerlach: la séparation, en plusieurs trajectoires, d’un jet d’atomes traversant une zone de champ magnétique inhomogène. Un important progrès a été réalisé en 1938 par I. I. Rabi, qui a utilisé l’excitation de la résonance magnétique pour perturber les trajectoires des jets atomiques ou moléculaires. Ces méthodes réalisent une détection indirecte de la résonance magnétique et sont d’une précision limitée. D’autres méthodes de détection indirecte appliquées en particulier aux vapeurs métalliques sont décrites dans l’article SPECTROSCOPIE - SPECTROSCOPIE DES RADIOFRÉQUENCES.La détection directe de la résonance magnétique, beaucoup plus précise que les précédentes, mais beaucoup moins sensible, n’a été rendue possible que par les progrès réalisés en électronique au cours de la Seconde Guerre mondiale, notamment à l’occasion des études sur le radar. Dans les champs magnétiques habituels de quelques teslas (1 tesla égale 10 000 gauss), les fréquences de résonance électronique vont de 10 GHz à 100 ou 200 GHz, correspondant à des longueurs d’onde d’environ 3 cm à 2 mm. Les fréquences de résonance nucléaire sont un millier de fois plus faibles, de 1 à 500 MHz.La résonance électronique a été découverte en 1945 par le physicien soviétique E. Zavoisky. La résonance nucléaire l’a été également en 1945, indépendamment par F. Bloch, N. W. Hansen et M. Packard à l’université Stanford et par E. M. Purcell, R. V. Pound et H. C. Torrey à l’université Harvard, aux États-Unis, et couronnée par l’attribution en 1952 du prix Nobel de physique à F. Bloch et E. M. Purcell.La faible sensibilité relative de la résonance magnétique impose en pratique son observation dans la matière condensée, c’est-à-dire essentiellement les liquides et les solides. Dans un milieu condensé, les moments magnétiques subissent des interactions avec leur environnement qui perturbent leur mouvement et ont, entre autres, pour effet d’élargir la raie de résonance, de la déplacer ou de la séparer en plusieurs raies distinctes. Ces perturbations dépendent de la nature, de la position et du mouvement relatifs des diverses espèces atomiques ainsi que de la structure des couches électroniques. Loin d’être une gêne, elles donnent tout son intérêt à la résonance magnétique. Ce sont elles que l’on étudie, car elles portent témoignage du comportement à l’échelle atomique de la matière condensée. Elles fournissent des renseignements souvent détaillés sur les positions et les mouvements des atomes ainsi que sur les structures électroniques et chimiques. De très nombreux travaux dans le monde entier ont consacré l’importance de la résonance magnétique comme instrument de premier ordre pour l’étude fine et détaillée de la matière condensée dans les domaines de la physique, de la chimie et de la biologie.On assiste en outre depuis peu à un développement considérable de la résonance magnétique nucléaire sur des organismes vivants, qui promet de devenir un instrument de première importance dans la recherche et le diagnostic médicaux.Après une analyse du phénomène de résonance magnétique, viendra une description de ses principales applications en physique, en chimie et en médecine.1. Principe de la résonance magnétiqueChaque électron d’un atome possède une propriété analogue à ce que lui conférerait une rotation autour du noyau atomique, que l’on caractérise par une grandeur vectorielle appelée moment angulaire orbital. Il possède de plus un moment angulaire intrinsèque, analogue à celui d’un gyroscope, appelé spin (de l’anglais spinning top : toupie). À chaque moment angulaire est associé un moment magnétique. Dans un édifice électronique, molécule ou ion, le couplage entre les divers moments des électrons individuels conduit à un moment angulaire global et un moment magnétique global qui, dans la plupart des cas, sont nuls. Seuls font exception quelques molécules et les ions de quelques métaux. On les appelle centres paramagnétiques ou, par un abus de langage, spins électroniques; leur résonance magnétique porte le nom de résonance paramagnétique électronique , ou R.P.E. Les noyaux atomiques dont le spin est non nul possèdent eux aussi un moment magnétique, environ un millier de fois plus faible que les moments électroniques; leur résonance s’appelle résonance magnétique nucléaire ou R.M.N.Dans le cas des noyaux et de beaucoup de centres paramagnétiques, les moments angulaire et magnétique sont parallèles. Leur rapport est appelé rapport gyromagnétique . Pour les centres paramagnétiques, il dépend du couplage des électrons individuels entre eux et avec le milieu environnant; pour les spins nucléaires, ce rapport est caractéristique de chaque espèce nucléaire.Lorsqu’un aimant dont les moments magnétique et angulaire sont colinéaires est placé dans un champ magnétique, son aimantation effectue autour de la direction du champ un mouvement de précession à une fréquence proportionnelle à l’intensité du champ et au rapport gyromagnétique de l’aimant, que l’on appelle fréquence de Larmor (du nom du physicien anglais qui a, le premier, abordé ces problèmes).Considérons un moment magnétique dans un champ magnétique statique, dans lequel sa fréquence de Larmor a une valeur bien déterminée, et ajoutons un autre champ magnétique, beaucoup plus petit, perpendiculaire au champ statique et tournant autour de lui. Si la fréquence de rotation de ce second champ est très différente de la fréquence de Larmor, l’influence de ce champ sur le mouvement de l’aimantation est négligeable. Si, par contre, ces fréquences sont égales ou très proches, le mouvement de l’aimantation est fortement perturbé. Cette réponse sélective du système à une excitation périodique de fréquence bien déterminée constitue le phénomène de résonance . La perturbation du mouvement de l’aimantation est détectée par l’intermédiaire de la force électromotrice que cette aimantation induit dans une bobine entourant l’échantillon. Seule la composante de l’aimantation, qui est perpendiculaire au champ statique appliqué, induit un signal.Il est utile de considérer, parallèlement à la précédente, une seconde description du phénomène de résonance magnétique basée sur la mécanique quantique. Si l’on mesure la projection d’un moment magnétique, nucléaire ou électronique, le long d’une direction fixée, on ne peut trouver qu’un nombre limité de valeurs bien déterminées; on dit que le moment magnétique est quantifié. Comme l’énergie d’interaction d’un moment magnétique avec un champ magnétique appliqué est proportionnelle à la projection de ce moment sur la direction du champ, il résulte de la propriété précédente qu’un moment magnétique placé dans un champ magnétique ne possède qu’un nombre limité d’états d’énergie bien déterminés, correspondant chacun à une valeur différente de la projection du moment magnétique le long de la direction du champ (effet Zeeman). Le cas le plus simple est celui du proton, ou noyau d’hydrogène, qui ne possède que deux états d’énergie différents dans un champ magnétique, car la projection de son moment magnétique sur la direction du champ ne peut avoir que deux valeurs opposées. De plus, un champ électromagnétique périodique est également quantifié en «grains», appelés photons, dont l’énergie est proportionnelle à la fréquence du champ. Si, dans un champ magnétique statique, un moment magnétique est soumis à un second champ périodique, c’est-à-dire s’il est environné de photons, il peut se produire une transition au cours de laquelle le moment magnétique passe d’un état d’énergie déterminée à un autre état d’énergie différente, tandis qu’un photon disparaît ou apparaît; on dit qu’il est absorbé ou émis. Une telle transition ne peut se produire que si l’énergie totale ne varie pas, c’est-à-dire si l’énergie du photon absorbé est égale au gain d’énergie réalisé par le moment magnétique en passant d’un état à l’autre. Puisque l’énergie du photon est proportionnelle à la fréquence du champ magnétique périodique appliqué, cela signifie que ce dernier ne peut induire de transition que si sa fréquence a une valeur bien déterminée. On retrouve le phénomène de résonance. Les deux processus possibles, transition avec absorption de photon et transition avec émission de photon, ont des probabilités égales de se produire. Pour une assemblée de moments magnétiques, le signal de résonance, qui est proportionnel au bilan total des photons absorbés et émis, ne pourra exister que si les populations des différents états d’énergie ne sont pas toutes égales, car alors il y aurait autant de photons absorbés qu’émis. Cette inégalité de populations est assurée par l’équilibre thermique entre les spins et les autres types d’interactions existant dans le milieu qui les contient, interactions que l’on englobe sous le nom conventionnel de réseau (parce qu’à l’origine les interactions considérées avaient été celles qui existent au sein des réseaux cristallins). La thermodynamique nous apprend que la population d’un état est d’autant plus élevée que son énergie est plus basse, et ce d’autant plus que la température de l’échantillon est plus faible. Dans la grande majorité des cas expérimentaux, les différences de populations sont très faibles et le signal de résonance ne peut être observé que sur un grand nombre de spins. Pour les moments nucléaires, cela implique des concentrations telles qu’on ne puisse négliger leurs interactions mutuelles. Les spins électroniques, dont la résonance est plus sensible, peuvent être étudiés à faible concentration: un millième à un cent-millième.Deux méthodes expérimentales sont principalement utilisées. L’une consiste à utiliser une petite excitation dont la fréquence varie et à observer en fonction de cette fréquence la faible perturbation de l’aimantation de spin. L’autre consiste à appliquer pendant un temps bref une forte excitation, de fréquence proche de la fréquence de Larmor, et à observer l’évolution au cours du temps de l’aimantation transversale des spins. Il existe entre les réponses à ces deux modes d’excitation une relation mathématique simple, appelée transformation de Fourier, que l’on sait effectuer rapidement et commodément sur ordinateur.2. La résonance magnétique et la physique du réseauNous citerons d’abord quelques applications de la résonance magnétique qui, quoique d’une grande utilité, n’utilisent le phénomène qu’à son niveau physique le plus simple: mesure précise des moments magnétiques nucléaires, qui constituent un test important des théories de la structure des noyaux; mesure précise des champs magnétiques au moyen de la fréquence de résonance de spins dont le rapport gyromagnétique est connu; mesure de la concentration d’une espèce atomique dans un échantillon, basée sur le fait que, dans un spectromètre déterminé et à température donnée, l’intensité du signal de résonance, électronique ou nucléaire, d’une espèce de spins est proportionnelle à leur nombre.L’application physique la plus importante de la résonance magnétique est cependant l’étude des propriétés du milieu condensé entourant les spins, ou réseau. La R.M.N. et la R.P.E. présentent à cet égard de nombreuses similitudes, mais également des différences importantes. Nous traiterons d’abord le cas de la R.M.N., puis décrirons les caractères propres de la R.P.E.Les renseignements que l’on obtient sur les propriétés du réseau proviennent pour une grande part de l’observation de deux types de phénomènes: la position et la forme des raies de résonance d’une part, et la relaxation spin-réseau d’autre part, dont on va décrire le principe.Chaque moment magnétique nucléaire est soumis non seulement au champ magnétique appliqué, mais aussi à un champ local créé par son environnement: champ créé par les moments magnétiques des noyaux voisins, que l’on appelle champ dipolaire (car un moment magnétique porte également le nom de dipôle magnétique), champ créé par la distribution électronique au sein de l’échantillon. Certains noyaux subissent également une interaction dite quadrupolaire lorsque la distribution électronique crée un champ électrique non uniforme à leur emplacement. L’influence de ces interactions sur la raie de résonance peut prendre plusieurs formes. Ainsi, le champ local moyen à l’emplacement des noyaux provoque un déplacement de la fréquence de résonance tandis que les fluctuations de ce champ d’un site nucléaire à l’autre provoquent un élargissement de la raie de résonance; en présence d’interactions quadrupolaires, ou s’il existe un petit nombre de champs locaux moyens distincts à l’emplacement de diverses catégories de noyaux, on observe même plusieurs raies de résonance distinctes au lieu d’une seule. Chacun de ces caractères apporte des renseignements précis sur la nature et la position relative des différents noyaux ainsi que sur la structure des couches électroniques qui les entourent.La résonance magnétique nucléaire fournit également des renseignements sur les mouvements au sein de la matière. Certains champs locaux dépendant de la position relative des noyaux, une modification de cette position sous l’effet d’un mouvement produit une variation au cours du temps de ces champs locaux. Si cette variation est lente, la forme de la raie de résonance observée est une moyenne des formes correspondant aux différentes configurations instantanées. Si, par contre, la fréquence moyenne de cette variation du champ local est grande devant la variation de fréquence de Larmor provoquée par ce champ, le mouvement de l’aimantation nucléaire n’a pas le temps de répondre aux fluctuations du champ local et ne réagit qu’à sa valeur moyenne. Cela se traduit suivant les cas par la coalescence de plusieurs raies de résonance en une seule ou bien par un rétrécissement très important de la largeur des raies de résonance, phénomène connu sous le nom de rétrécissement par le mouvement et observé notamment dans les liquides et les gaz. La figure en fournit une illustration en a et b.La relaxation spin-réseau est le nom donné au processus par lequel les spins nucléaires acquièrent la température de leur milieu. Si un échantillon initialement en champ nul est brusquement placé dans un champ magnétique, son aimantation nucléaire, d’abord nulle, évoluera vers sa valeur d’équilibre thermique correspondant à la température du réseau. Le temps caractéristique de cette évolution, appelé temps de relaxation spin-réseau, varie selon les échantillons d’une fraction de seconde à plusieurs heures, voire plusieurs semaines. Il dépend de la nature des couplages entre les spins nucléaires et le réseau; il dépend aussi des propriétés dynamiques de ce réseau. Son étude fournit ainsi des renseignements précis sur ces propriétés.Dans le cas des liquides, il convient de distinguer deux temps de relaxation magnétique spin-réseau: le temps de relaxation longitudinal t 1, qui est celui de la composante de l’aimantation parallèle au champ appliqué, et le temps de relaxation transversal t 2, qui est celui de la composante perpendiculaire à ce champ.La résonance magnétique des spins électroniques se pratique très souvent sur des échantillons suffisamment dilués pour que les interactions entre spins électroniques soient négligeables. La R.P.E. caractérise alors les propriétés d’un spin électronique en interaction avec son milieu. La première information est celle de la fréquence de résonance dans un champ déterminé. Elle dépend non seulement des couplages entre moments des électrons du centre paramagnétique, mais également du couplage avec le réseau. Dans des cristaux de faible symétrie, il peut arriver que les moments angulaire et magnétique ne restent pas constamment parallèles; la fréquence de résonance varie alors avec l’orientation du champ magnétique par rapport aux axes cristallins, ce qui renseigne sur la nature et la symétrie du couplage spin-réseau. Le couplage du spin électronique avec le spin de son noyau ou ceux des noyaux des atomes voisins produit un élargissement ou une séparation en plusieurs raies de la courbe de résonance électronique. Ces couplages ne sont pas purement dipolaires, mais comportent également un terme dit «de contact», proportionnel à la probabilité de présence des électrons à l’emplacement des noyaux. La détermination de ces couplages permet d’établir une carte de la distribution électronique spatiale du centre paramagnétique. Enfin, la relaxation spin-réseau électronique dans les solides est, au contraire de celle des spins nucléaires, extrêmement sensible aux vibrations cristallines, et fournit sur celles-ci des renseignements détaillés. Les temps de relaxation spin-réseau électronique varient selon les cas d’une fraction de microseconde à quelques secondes ou quelques minutes.Parmi les études physiques auxquelles l’utilisation de la résonance magnétique a apporté d’importantes contributions, on citera le mouvement d’agitation thermique dans les liquides, les mouvements de diffusion atomique ou de rotation moléculaire dans les solides, la structure cristalline des solides, la distribution électronique dans les métaux purs et impurs, dans les alliages métalliques et les semi-conducteurs, les propriétés magnétiques microscopiques des substances ferromagnétiques et antiferromagnétiques, les propriétés quantiques de l’hélium 3 liquide et solide, les propriétés des substances ferro-électriques, la structure électronique des ions paramagnétiques en solution diluée dans les solides.3. Thermodynamique des systèmes de spinsUne autre source d’intérêt des systèmes de spins réside dans leur qualité de modèle, qui s’est manifestée entre autres dans le développement de la théorie de la température de spin. Bien que cette théorie soit parfois applicable aux systèmes de spins électroniques, son champ d’application principal est celui des spins nucléaires. Les moments magnétiques nucléaires dans un solide sont soumis à des interactions souvent parfaitement connues et constituent des systèmes thermodynamiques plus simples que ceux qui sont habituellement étudiés en physique. Les méthodes de la résonance magnétique permettent d’étudier leurs propriétés statistiques de façon détaillée et originale. Le couplage entre moments magnétiques nucléaires est plus fort que le couplage de chacun d’eux avec le réseau, si bien qu’un système de spins nucléaires atteint un état d’équilibre statistique interne en un temps beaucoup plus court que le temps de relaxation spin-réseau (temps d’équilibrage thermique entre ces spins et le reste du cristal). Un ordre de grandeur typique de ce temps est un dixième de milliseconde. Des arguments thermodynamiques ont conduit à admettre que cet équilibre interne correspond à une température, que l’on appelle température de spin, qui peut être différente de celle du réseau et le demeurer pendant un certain temps, comparable au temps de relaxation spin-réseau. On sait créer des situations où l’équilibre interne ne peut se décrire qu’au moyen de plusieurs températures de spin différentes attribuées à divers types d’interactions. Il peut ainsi y avoir une température caractérisant la répartition des populations parmi les états d’énergie de l’interaction Zeeman avec le champ magnétique extérieur et une température différente caractérisant la répartition des populations parmi les états d’énergie résultant des interactions entre moments magnétiques nucléaires. Contrairement au cas des systèmes thermodynamiques habituels, l’énergie que peut atteindre un système de spins possède une limite supérieure. Il en résulte que l’on peut créer des situations où la population d’un état est d’autant plus grande que son énergie est plus élevée. Cela conduit, dans l’état d’équilibre statistique, à attribuer au système de spins une température absolue négative. Les études tant théoriques qu’expérimentales ont montré la parfaite cohérence de ce concept. On a pu étudier l’évolution et la vitesse d’évolution des températures de spin sous l’effet d’actions extérieures telles que des variations du champ magnétique ou des irradiations électromagnétiques appropriées et construire une véritable thermodynamique des systèmes de spins. Ces études ont en outre permis de développer des concepts et des techniques expérimentales qui ont élargi les possibilités d’action de la résonance magnétique et apporté une contribution notable aux études physiques énumérées précédemment.4. Polarisation dynamique nucléaireLa polarisation d’un système de spins est définie comme le rapport de son aimantation le long d’une direction avec l’aimantation maximale qu’il est capable d’avoir. Prenons, par exemple, le cas des protons, dont chaque moment magnétique ne peut avoir que deux orientations opposées le long d’un champ magnétique; la polarisation d’un système de protons est égale à l’excès relatif des moments magnétiques pointant dans une direction par rapport à ceux qui pointent dans la direction opposée. La polarisation nucléaire à l’équilibre thermique est toujours très faible dans les situations expérimentales que l’on sait réaliser. Cela provient de ce que la différence d’énergie entre états résultant de l’effet Zeeman est beaucoup plus faible que l’énergie d’agitation thermique. Cela n’est pas vrai pour les moments magnétiques électroniques, beaucoup plus grands que les moments nucléaires, et dont la polarisation d’équilibre thermique en champ magnétique élevé et à basse température peut devenir très proche de l’unité. Si, dans un cristal contenant des spins nucléaires, on introduit une faible proportion de spins électroniques, il est possible, grâce au couplage entre moments électroniques et nucléaires, de provoquer au moyen d’une irradiation magnétique de fréquence appropriée des transitions correspondant au renversement simultané des orientations d’un spin électronique et d’un spin nucléaire. Un bilan détaillé de ces transitions et des transitions de relaxation spin-réseau montre que l’on peut ainsi conférer aux spins nucléaires une polarisation égale ou opposée à la polarisation d’équilibre thermique des spins électroniques. Ce processus de polarisation dynamique porte le nom d’effet solide. La réalisation d’échantillons à grande concentration de spins nucléaires fortement polarisés a trouvé une importante application dans les études de physique nucléaire et de physique des particules élémentaires. Une méthode largement utilisée dans ces études consiste à bombarder une cible nucléaire par des particules accélérées et à tirer des résultats de ce bombardement des renseignements sur les interactions entre particules, dont la connaissance conditionne notre compréhension du monde physique. L’emploi de cibles nucléaires polarisées permet d’étudier le rôle, qui est fondamental, de l’orientation de spin sur ces interactions. Un exemple récent et particulier de ce genre d’études est la mesure de l’influence de l’orientation de spin sur la diffusion des neutrons par les noyaux atomiques. Une autre application de la polarisation dynamique nucléaire est le refroidissement des systèmes de moments magnétiques nucléaires. On montre en effet que l’augmentation de la polarisation nucléaire, au-delà de sa valeur d’équilibre thermique dans un champ magnétique donné, est équivalente au refroidissement des spins. Si l’on supprime ensuite le champ magnétique, les interactions entre les spins froids peuvent donner naissance, par effet coopératif, à un état magnétique ordonné. On a pu ainsi produire et observer des états ordonnés ferromagnétiques et antiferromagnétiques dans des systèmes nucléaires soumis à des interactions spin-spin dipolaires et vérifier les prévisions théoriques relatives à ces états. Ces expériences nous font sortir du domaine du paramagnétisme qui, par définition, concerne les états où n’existe pas d’ordre coopératif, où étaient jusque-là confinées les études de magnétisme nucléaire. Les températures nécessaires pour atteindre de tels états ordonnés sont inférieures au microdegré. Elles peuvent être aussi bien positives que négatives. Ce sont les températures les plus basses où évoluent encore des phénomènes physiques.5. Applications de la résonance magnétique à la chimieLa R.P.E. connaît quelques applications en chimie, notamment par l’étude de centres paramagnétiques appelés radicaux libres produits transitoirement au cours de certaines réactions chimiques, qui permet d’en élucider le mécanisme.L’utilisation la plus importante de la résonance magnétique, par le nombre de travaux et le nombre de chercheurs qui s’y consacrent, est cependant la R.M.N. de haute résolution pour l’étude des composés chimiques, essentiellement les molécules organiques. Cette importance provient de ce que chaque spin nucléaire est soumis à des champs locaux caractéristiques de la molécule dont il fait partie et de sa place dans la molécule. Ces champs sont en général beaucoup plus faibles que les champs dipolaires internucléaires. C’est pourquoi la R.M.N. de haute résolution se pratique la plupart du temps sur des liquides où, par suite du mouvement rapide des molécules, elle est insensible aux interactions dipolaires et où les raies de résonance sont très étroites.Le champ local auquel est soumis chaque spin nucléaire est le champ moyen créé par les électrons qui l’entourent. Ce champ a deux origines. Il provient en premier lieu de la distorsion des couches électroniques par le champ magnétique extérieur. Le champ local ainsi produit, proportionnel au champ appliqué et en général opposé à lui, est d’autant plus fort que la densité électronique au niveau du noyau est plus élevée. Dans une molécule, chaque noyau ayant un environnement chimique particulier donnera une raie de résonance caractéristique de sa fonction chimique, d’où le nom de déplacement chimique donné à la variation relative du champ de résonance d’un noyau. Son unité de mesure est le p.p.m., ou partie par million, du champ total, mesure par rapport à une référence arbitraire. En second lieu, l’origine du champ local vu par un noyau est la distorsion des couches électroniques par le champ magnétique des spins nucléaires voisins. Il en résulte un couplage indirect entre spins nucléaires proches, indépendant du champ extérieur et exprimé en hertz, qui a pour effet de séparer le spectre de chaque noyau en plusieurs raies. Ainsi, le spectre d’un proton isolé consiste en une raie unique, celui d’un proton couplé à un autre proton en un doublet dont l’écart en fréquence est la constante de couplage indirect, celui d’un proton couplé à deux autres protons non équivalents est un quadruplet, et ainsi de suite. Un exemple de spectre R.M.N. de haute résolution, celui des protons de l’alcool éthylique, est présenté en c sur la figure.Bien que les formules théoriques des déplacements chimiques et des couplages indirects soient bien établies, leur calcul effectif est difficile et imprécis, et c’est l’expérience accumulée qui permet de localiser leur valeur. On connaît ainsi la zone de déplacements chimiques correspondant à chaque type de liaison chimique. Quant aux couplages indirects, leur valeur dépend de la géométrie du système de spins, d’où leur importance dans l’étude structurale des composés chimiques. Il ne fait pas de doute que ce sont ces couplages et leur interprétation qui ont précipité le développement de la R.M.N. en chimie. Ainsi, à titre d’exemple, il est élémentaire de déterminer si deux protons sur une double liaison sont en position cis, trans ou géminée: les constantes de couplage pour ces trois géométries se situent respectivement dans les zones 6 à 10 Hz, 12 à 18 Hz, et 0 à 3 Hz.Depuis 1970, la seule technique utilisée en pratique est celle des impulsions, dont on a montré qu’elle est beaucoup plus sensible que l’observation directe du spectre de résonance avec un faible champ de radiofréquence. Une expérience se déroule schématiquement comme suit. Par une impulsion intense de radiofréquence, on bascule les aimantations nucléaires de façon à les rendre perpendiculaires au champ extérieur; le signal induit ensuite par ces aimantations transversales tournantes au cours du temps est échantillonné et stocké en mémoire d’ordinateur; l’opération est répétée de nombreuses fois, et les signaux sont accumulés jusqu’à ce qu’ils soient très supérieurs au bruit électronique toujours présent; on effectue ensuite sur ordinateur une transformation de Fourier du signal total, ce qui fournit le spectre de R.M.N. classique en fonction de la fréquence. L’ensemble des opérations est géré par l’ordinateur.Depuis les années soixante-dix, on assiste à une course aux champs élevés, grâce surtout au développement des aimants supraconducteurs, permettant de dépasser 10 teslas, alors que les électroaimants sont limités à environ 2 teslas. La raison en est triple. D’abord, les spectres ne sont interprétables simplement que si le couplage indirect entre spins est inférieur à leur écart de fréquence dû aux déplacements chimiques; ceci est réalisé en augmentant le champ puisque les écarts de fréquence consécutifs aux déplacements chimiques lui sont proportionnels alors que les couplages indirects ne varient pas. Ensuite, l’écart des diverses raies augmentant sans que varie (ou très peu) la largeur des raies individuelles, on augmente la résolution spectrale, ce qui est précieux pour des molécules à spectre complexe comme les molécules biologiques. Enfin, l’augmentation de la fréquence de résonance augmente le rapport signal sur bruit des spectres. D’abord limitée aux noyaux de grand moment magnétique: proton, fluor 19 et phosphore 31, la R.M.N. de haute résolution s’est étendue aux noyaux de faible moment magnétique et peu abondants: carbone 13, azote 15, fer 59, isotopes 99 et 101 du ruthénium, 107 et 109 de l’argent, etc. L’évolution des techniques et des méthodes permet aujourd’hui d’observer la résonance de tous les noyaux doués de spins. En particulier, la R.M.N. des métaux de transition apparaît de plus en plus utile pour la chimie de coordination et la biologie.Notons également la R.M.N. de molécules diluées dans un cristal liquide qui bloque leur mouvement, où la mesure des couplages dipolaires a permis la détermination très précise des distances interatomiques.Le développement des ordinateurs a permis l’élaboration explosive de techniques nouvelles extrêmement sophistiquées, dont nous citerons deux exemples. La première, due à une idée du physicien belge Jean Jeener, consiste à intercaler, entre l’excitation des spins et l’observation de leur signal, une période «aveugle» où l’on procède à une manipulation par radiofréquence de certains spins, ceux que l’on observe ou d’autres. L’exploitation se fait par une double transformation de Fourier et la présentation d’un spectre à deux dimensions de fréquence. Les manipulations sont de nature extrêmement variée; la richesse des renseignements obtenus est considérable. Le développement de ces techniques multidimensionnelles a valu le prix Nobel de chimie 1991 à Richard R. Ernst. La seconde rend possible la R.M.N. de haute résolution dans les solides et s’est développée depuis environ 1970. L’élimination de l’effet des couplages dipolaires, qui masquent les déplacements chimiques et les couplages indirects, se fait de façon artificielle, soit par une rotation rapide de l’échantillon autour d’un axe à 540 44 de la direction du champ statique, soit par l’application de trains d’impulsions de radiofréquence entre lesquels on observe le signal, soit par une combinaison des deux méthodes. Outre la possibilité d’étudier des composés n’existant pas à l’état liquide, cette méthode permet de mesurer non seulement la valeur moyenne des déplacements chimiques, mais également leur anisotropie, c’est-à-dire leur variation avec la direction du champ magnétique.En dehors des laboratoires de recherche, la R.M.N. du solide, techniquement difficile, se développe surtout pour l’analyse des polymères naturels et de synthèse, et dans l’étude des roches pétrolières, des schistes bitumeux, des sols et des composés d’insertion.À ces études spectrales se superposent des études de relaxation: relaxation des noyaux individuels et relaxation croisée entre noyaux de déplacements chimiques différents, due à la modulation par le mouvement de leur couplage dipolaire. À titre d’exemple, il est possible maintenant, par l’étude combinée des spectres de haute résolution et de relaxation, de déterminer la structure chimique et l’organisation spatiale d’une molécule aussi compliquée qu’une protéine, ainsi que de mesurer son mouvement d’ensemble en solution et les mouvements relatifs de ses différentes parties.Peu de techniques de la physique, mettant en jeu une instrumentation et un appareillage théorique sophistiqués, ont eu un impact scientifique aussi important que la R.M.N., tout d’abord auprès des chimistes puis, plus récemment, auprès des biologistes.6. Applications biomédicales de la résonance magnétiqueL’utilisation de la R.P.E. en médecine a été jusque-là assez limitée. Il existe des cas où un état pathologique se manifeste, après absorption d’un composé approprié, par l’apparition dans l’urine d’un radical libre de rapport gyromagnétique caractéristique.C’est cependant la R.M.N. qui fait une entrée «fracassante» en médecine, principalement par le développement accéléré de deux applications in vivo: l’imagerie R.M.N. et la R.M.N. de haute résolution localisée.L’objet de l’imagerie R.M.N. est de déterminer la distribution spatiale de la densité ou du temps de relaxation d’une espèce de spins dans un échantillon. Du point de vue médical, l’«échantillon» est un organisme vivant, et les spins observés sont les protons de l’eau ou des lipides. Par son résultat, elle comporte des analogies avec la tomographie des rayons X (scanner), mais également des différences notables. Non des moindres est le fait qu’il s’agit d’une méthode non-invasive: toutes les études tendent à prouver que l’application de champs magnétiques fixes ou de radiofréquence n’a aucun effet destructeur ou traumatisant, au contraire des rayons X, ce qui comporte de nombreux avantages pour le patient. De plus, elle permet d’obtenir des informations aussi bien fonctionnelles que morphologiques.La première image R.M.N. a été présentée en 1973 par P. Lauterbur. Depuis lors, la méthode s’est développée, notamment aux États-Unis et en Angleterre, à une vitesse étonnante, de telle sorte que déjà (en 1983) des appareils sont utilisés dans des hôpitaux de nombreux pays.Le principe de la méthode consiste à «marquer» la position des spins dans l’espace par leur fréquence de résonance, en utilisant un champ magnétique spatialement variable. La vitesse de variation du champ et sa direction sont caractérisées par un vecteur appelé gradient de champ. La variation du champ à travers l’échantillon est faible par rapport au champ moyen, mais grande devant la largeur des raies de résonance en champ homogène. Considérons le cas où, après avoir excité tous les spins par une impulsion de radiofréquence, on observe leur signal en présence d’un gradient de champ. Après transformation de Fourier, l’intensité du spectre à chaque fréquence sera proportionnelle au nombre des spins de la tranche où la valeur du champ était telle que c’était là leur fréquence de résonance. Si l’on répète l’expérience un grand nombre de fois en changeant à chaque fois l’orientation du gradient de champ, on obtient une série de résolutions par tranches d’orientations différentes à partir desquelles on peut, par un traitement mathématique, remonter à la distribution point par point de la densité des noyaux. Le traitement mathématique, basé sur la transformation de Fourier, est très proche de celui utilisé en tomographie des rayons X.On utilise habituellement une variante de cette méthode: on n’excite que les spins d’une tranche, en utilisant un gradient de champ au moment de l’impulsion. Seuls sont excités les spins de fréquence de résonance proche de la fréquence de l’impulsion. Les observations avec une série de gradients parallèles au plan excité conduisent à une image R.M.N. bidimensionnelle dans cette tranche. D’autres séquences d’application de gradients sont utilisées, dont certaines peuvent se révéler plus commodes que la précédente pour certaines applications.On obtient actuellement en quelques minutes, l’image R.M.N. d’une tranche ou d’un organe avec une résolution spatiale de l’ordre du millimètre. Ce que l’on voit est essentiellement l’eau mobile des organismes. L’image de la densité de l’eau offre peu de contrastes et est d’une utilité limitée, encore que l’on puisse voir la moelle des os, inaccessible aux rayons X. Il est beaucoup plus intéressant de faire une imagerie des temps de relaxation t 1 et t 2, qui présentent de gros contrastes, bien plus que les images du scanner X, et qui fournissent des renseignements morphologiques très détaillés. La variation spatiale des temps de relaxation contient également une information physiologique potentielle, car ils dépendent de la mobilité de l’eau qui peut être affectée par un état pathologique. L’exploitation et la compréhension de la variation des temps de relaxation sont encore peu développées, encore que dans certains cas on puisse délimiter avec précision une tumeur cancéreuse, dont le temps de relaxation t 1 est plus long que celui des tissus sains avoisinants.La seconde grande application biomédicale de la R.M.N. est la spectrométrie de haute résolution d’une espèce nucléaire, jusque-là essentiellement le phosphore 31, limitée à une zone déterminée de l’organisme. Cette méthode a vu le jour en 1973 au laboratoire de R. E. Richards à l’université d’Oxford, qui a conservé un rôle dominant dans son développement. Compte tenu de la faible concentration du phosphore dans les organismes vivants, un spectre de bon rapport signal sur bruit ne peut être obtenu en un temps raisonnable (15 à 60 minutes) que dans un volume de 8 à 10 cm3. La localisation se fait actuellement par un profilage du champ magnétique tel qu’il n’est homogène que dans un petit volume. Le signal de résonance des spins extérieurs à ce volume est élargi par l’inhomogénéité du champ et peut être éliminé par un traitement mathématique.L’intérêt du phosphore 31 est qu’il est présent dans toutes les molécules impliquées dans le métabolisme énergétique des êtres vivants: phosphocréatine, adénosine, triphosphate (ATP), adénosine disphosphate (ADP), ions phosphates, sucres phosphates, phosphodiesters. On détermine la concentration des divers métabolites, la vitesse de conversion enzymatique des uns dans les autres, ainsi que le pH (mesure de l’acidité) du milieu au moyen du déplacement chimique des ions phosphates. Toute activité biologique d’un être vivant consommant de l’énergie, la connaissance du fonctionnement du métabolisme énergétique est de première importance pour la détection et la compréhension des états pathologiques ou l’analyse de l’action de certains médicaments. Cette voie d’application n’en est encore qu’à son début, en grande partie parce que la R.M.N. du phosphore, pour cause de difficultés techniques, n’a été pratiquée que sur de petits organes: cœurs de rat perfusés, rats ou gerboises et muscle de l’avant-bras humain. Plusieurs laboratoires développent actuellement des spectromètres de grande taille, capables d’accueillir des singes, des enfants, puis des adultes. Cette entreprise comporte d’énormes difficultés techniques qui devront être surmontées dans un avenir prochain.
Encyclopédie Universelle. 2012.